13fév. 2019
AINSI PASSE LE TEMPS
02:03 - Par Pascale Herpe - Textes
« - Je me sens engluée. Alors que je m’étais dit que j’oserais tout.
- J’ai travaillé sur le métamorphique aujourd’hui. Tu me diras comment tu te sens dans quelques jours. »
Je ne me sens rien. Alors, je lui répète simplement et sans conviction cette phrase entendue à la radio ce matin : C’est un peu comme attendre que l’eau se mette à bouillir dans une casserole. J’essaye de rester concentrée sur les 800 kg de raisins que j'espère rentrer en septembre dans la cuve que je n'ai pas encore par manque d’argent. Aussi, quand je passe la frontière espagnole et que je vois tous ces camions et toutes ces filles garés au même endroit, je me surprends parfois à compter en nombres de pipes. Si on compte 30 balles la pipe, une cuve inox de 20 hl équivaudrait à 100 pipes ... Bon là, c'est vrai, ça me refroidit direct, en plus je suis pas hyper douée. Mais l'optique de pouvoir me saouler reste ma ligne de mire et si je compte bien, 800 kg devrait fournir 600 litres de vin, ce qui n'est pas une broutille.
Je pense quand même aller visiter mon ancienne directrice bientôt, j’en profiterai pour lui avouer que je ne connais pas bien les règles du poker : « J’ai oublié de te demander, c’est à quel moment qu’on se couche ? » Je dois être dans une mauvaise maison à mon horoscope et tout ça doit être dû à une mauvaise interprétation des signaux. Je me dis que ça va passer, et que bientôt, tout va rentrer dans l’ordre. Mon amie a raison, là, ce qu’il faut, c’est trouver un autre sujet.
J’ai finalement retrouvé mon ex-tuteur. Il est égal à lui-même, à part que maintenant, il boit des chocolats chauds à l’heure de l’apéro. Nous nous sommes assis et il a lu en silence un texte que je lui tendais. Il m’a regardé, rapidement et il a dit en regardant dehors : « Des textes pareils ne peuvent germer que dans le cœur d’une adorable personne. » Cela m’a un peu secoué mais il a feint de ne pas le voir. Puis, il m’a regardé, à nouveau et il a cité Mylène Farmer, mais là je n’ai pas retenu.
Alors, je lui ai répondu : « Ne vous inquiétez pas, Monsieur, je fais toujours ces dessins un peu raide dans les angles. » Puis, j’ai glissé dans son carnet un texte écrit pour lui, je me suis levée et je suis partie.