Je me suis réveillée en sursaut à 5h ce matin. Une phrase tournait en boucle dans ma tête ; elle tournait si vite que je ne pouvais pas l’arrêter. Alors, j’ai essayé d’attraper un livre sur la pile posée sur ma table de chevet. Comme la pile est haute, les livres sont tombés, j’ai tendu mon bras et j’ai pioché. Ce matin, la pêche fut bonne, j’ai remonté sur le pont « Sucre de pastèque » de ce cher Richard Brautigan.
J’ai pensé que l’Univers devait bien se marrer là-haut, j’ai un peu ricané avec eux et j’ai plongé :
"SUCRE DE PASTÈQUE
À sucre de pastèque les jeux étaient faits et refaits comme ils le sont dans ma vie à sucre de pastèque. Je vous en parle parce que moi je suis ici et vous au loin.
Où que nous soyons, nous devons faire de notre mieux. C’est un si long voyage, et ici nous n’avons rien pour voyager, sauf du sucre de pastèque. J’espère que ça va marcher. J’habite une cabane près de Pensemort. Je peux voir Pensemort par ma fenêtre. C’est très beau. Je peux le voir et même le toucher rien qu’en fermant les yeux. En ce moment, il fait froid, on dirait quelque chose au creux d’une main d’enfant. Je me demande ce que ça pourrait bien être. L’équilibre à Pensemort est délicat. Ce qui nous convient.
La cabane est petite mais elle est agréable et aussi accueillante que ma vie, bâtie en pin, en sucre de pastèque et en pierre, comme presque tout ce qu’il y a ici (…) Il y a de nombreux ponts dans les bois de pins et dans les champs de pastèque. Il y a un pont juste devant ma cabane.
Certains de ces ponts sont en bois ancien que la pluie a argenté. D’autres sont en pierre, des pierres ramassées au loin et utilisées dans l’ordre où elles ont été trouvées. Enfin, il y en a en sucre de pastèque. Ce sont les ponts que je préfère. Ici, nous fabriquons des quantités de choses en sucre de pastèque – je vous en reparlerai – y compris ce livre que je suis en train d’écrire près de Pensemort.
Et tout finira dans ce sucre de pastèque."
(Richard Brautigan)